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éléments de bibliographie *
Effet de l’altitude sur la fonction respiratoire |
effet de l’altitude sur la pression partielle en oxygène inhalé |
composition gazeuse de l’air en %
composant | % |
O2 | 20,95 |
CO2 | 0.05 |
N2 | 78,09 |
Argon | 0,93 |
pression atmosphérique au niveau de la mer : 760 mm Hg (101,3 kPa)
La proportion des différents composants de l’atmosphère est particulièrement stable, et ne varie pas en fonction de l’altitude, au moins dans la gamme d’altitude où la vie est possible ( à très haute altitude, la composition de l’atmosphère dépend de la densité des gaz, et les gaz légers tels que l’hydrogène et l’hélium se trouvent en quantité plus importante). En effet, des courants de convection importants assurent un brassage des gaz bien au delà de la limite de la vie possible.
La composition de l’air sec ne varie pas en fonction des conditions atmosphériques ou des saisons. Sauf environnement très particulier, la composition en gaz dans l’atmosphère est stable. Il n’en est pas de même pour ce qui est de la quantité de gaz présent en solution dans l’eau, la solubilité de l’oxygène et du dioxyde de carbone dépendant de nombreux facteurs, en particulier la température, la teneur en sels (l’oxygène est beaucoup moins soluble dans l’eau de mer que dans l’eau douce), etc. Ceci n’est pas sans conséquence sur l’adaptation à la respiration en milieu aquatique.
L’élément qui varie dans la composition de l’air est la
teneur en vapeur d’eau. L’air contient une quantité plus ou moins
importante de vapeur d’eau. La teneur à l’équilibre – la
pression de vapeur saturante – dépend de la température.
température | pression de vapeur saturante |
0°c | 4,6 mmHg |
37°C | 47 mmHg |
L’humidité relative est le pourcentage de la pression partielle en vapeur d’eau par rapport à la pression saturante.
Dans un poumon, la vapeur d’eau est égale à la pression de vapeur saturante, soit 47 mmHg. Par conséquent, la pression de l’air sec est de 760 – 47 = 713 mmHg. L’air sec contenant 21% d’oxygène, la PIO2 – pression partielle en O2 dans l’air inhalé est de 150 mmHg.
Il n’y a pas avec l’altitude de variation de la composition de l’air, mais diminution exponentielle de la pression barométrique.
À 3000 m, la pression barométrique est diminuée
d’un tiers ; à 5500 m, elle est diminuée de moitié.
Il s’ensuit que la pression partielle en oxygène de l’air est diminuée
dans les mêmes proportions. Si l’on considère l’air inspiré,
cette diminution est encore plus grande, car la pression de vapeur d’eau
saturante ne diminue pas avec la pression barométrique. La proportion
de vapeur d’eau dans l’air inhalé est donc plus importante en altitude
qu’au niveau de la mer, ce qui diminue la proportion des autres gaz, en
particulier d’oxygène et le CO2.
pressions (en mmHg) | niveau de la mer | 5500 m | différence |
pression atmosphérique | 760 | 380 | 380 |
PO2 | 160 | 80 | 80 |
PIO2 | 150 | 70 | 80 |
PCO2 | 0,23 | 0,11 | 0,12 |
PICO2 | 0,21 | 0,11 | 0,11 |
conséquences sur les pressions et les concentrations en oxygène et en CO2 dans l’organisme |
pression alvéolaire
dioxyde de carbone
Les variations de la pression partielle en oxygène dans l’air inhalé sont négligeables, de même que leurs conséquences sur la pression alvéolaire, qui est déterminée par le débit artériel (Va) et la production de CO2 par l’organisme. Toute chose étant égale par ailleurs, la PACO2 est inchangée en altitude.
PACO2 = (VCO2/Va)K K : constante
Il n’en est pas de même pour la PO2 alvéolaire, qui dépend de la PIO2. La PO2 alvéolaire peut être calculée à partir de la formule suivante :
PAO2 = (PIO2 –( PACO2/R) + F R : quotient respiratoire K : constante
Puisque la pression alvéolaire en CO2 n’est pas modifiée lorsque l’altitude augmente, mais que la PIO2 diminue, il s’ensuit que la pression alvéolaire en O2 diminue en altitude.
PO2 dans le sang, en fonction du temps de passage dans le capillaire, en % de la PAO2 (trait plein : normoxie ; trait pointillé : hypoxie)
La diffusion alvéolaire dépend du gradient de concentration entre la pression alvéolaire et la pression artérielle en oxygène. En altitude, la diminution de la pression alvéolaire entraîne une diminution du gradient de concentration en oxygène de part et d’autre de la barrière alvéolo-capillaire, ce qui entraîne une diminution de la vitesse d’équilibration des pressions partielles.
Si d’autre part le débit sanguin augmente de manière importante – par exemple lors qu’un exercice physique intense – il peut arriver que l’équilibre ne soit pas obtenu. C’est un des rares cas où le transfert de l’oxygène n’est plus limité par la perfusion mais par la diffusion.
pression partielle et concentration dans le sang
La diminution de la pression alvéolaire en oxygène se traduit par une diminution de la pression partielle en oxygène dans le sang artériel. Ceci influence la quantité d’oxygène présente dans le sang, mais pas de manière linéaire, étant donné que la plus grande quantité de l’oxygène se trouve fixée à l’hémoglobine. La quantité d’O2 présente dans le sang – en ml O2/100 ml de sang – est donnée par la formule :
(1,39 x Hb x (Sat/100)) + 0,003 PO2
Hb : concentration en hémoglobine du sang (en g/100 ml)
Sat : % de saturation de l’hémoglobine
PO2 en mmHg
La PO2 n’influence directement que faiblement la quantité d’oxygène présente dans le sang, la majeure partie dépendant de la saturation de l’hémoglobine. L’examen de la courbe de saturation montre que tant que la PO2 reste supérieure à 70 mmHg environ, la répercussion de la baisse de la PO2 sur la quantité en oxygène du sang est faible.
L’altitude n’ayant aucun effet significatif sur la pression alvéolaire en CO2, il n’y a pas non plus d’effet direct significatif sur la pression partielle ni la quantité CO2 dans le sang. Toutefois, la mise en jeu des réponses physiologiques aura des répercussions importantes sur la quantité de CO2 dans le sang.
On voit donc que les effets principaux de l’altitude sont une diminution de la pression partielle et de la concentration en oxygène dans le sang artériel, sans modification de ces grandeurs concernant le CO2. Cette diminution ne s’observe qu’à partir d’un baisse significative de la pression barométrique, correspondant à une pression alvéolaire en oxygène de l’ordre de 60 à 70 mmHg.
Cette hypoxémie d’altitude va entraîner une hypoxie tissulaire,
et va donc avoir d’importants retentissements sur le métabolisme
de l’organisme. D’autre part, étant donné que les valeurs
de PO2 artérielle et la concentration sanguine en oxygène
sont des variables intervenant dans la régulation de l’appareil
cardio-respiratoire, le fonctionnement de celui-ci va être modifié.
Concernant l’oxygène, ce qui se passe en altitude ressemble à
ce qui se passe lors d’hypoventilation (baisse de la pression alvéolaire)
ou lors de l’augmentation de la consommation d’oxygène par l’organisme,
dans le cas d’exercice par exemple. Mais, dans ces deux cas, l’hypoxémie
est associée à une hypercapnie, soit par diminution de l’élimination
du CO2 (hypoventilation), soit par augmentation de sa production
(augmentation du métabolisme), alors que ce n’est pas le cas dans
l’hypoxie d’altitude.
effet sur le fonctionnement de l’appareil respiratoire des animaux de basse altitude |
Seront traités dans ce chapitre les effets de l’altitude sur le fonctionnement et éventuellement la structure de l’appareil cardio-respiratoire d’animaux – dont l’homme – pour lesquels la vie en altitude ne constitue pas des conditions standard, les conditions standard étant définies comme celles dans lesquelles s’est déroulée l’histoire évolutive de l’espèce étudiée. De ce point de vue, le fait d’être né et d’avoir vécu en altitude ne suffit pas pour autant à en faire une condition standard. Les particularités du système respiratoire des hommes natifs des zones d’altitude seront étudiées en fin de chapitre.
effet à court terme (1-3 jours)
Les effets de l’altitude seront envisagés à travers son effet sur les différents systèmes de régulation de la respiration, en étudiant ses conséquences sur les différents capteurs correspondants aux variables modifiées primitivement ou secondairement par l’hypoxie.
activation des chémorécepteurs à la PO2 artérielle et ces conséquences
La diminution de la PO2 artérielle va activer les chémorécepteurs sensibles à l’oxygène, présents essentiellement au niveau des glomus carotidiens. Les cellules de type I des glomus carotidiens très sensibles à la pression partielle en oxygène, et une diminution de 15% de celle-ci suffit à les activer ; elles ne sont pas sensibles à la concentration en oxygène, à la différences des cellules productrices d’érythropoïétine, qui sont sensibles à la PO2et à la concentration en oxygène du sang.
L’activation des chémorécepteurs va entraîner une hyperventilation réflexe, avec augmentation de la fréquence respiratoire et du volume courant. D’autre part, l’activation des chémorécepteurs va stimuler l’appareil cardio-circulatoire, provoquant une tachycardie et une augmentation du débit sanguin. Cette hyperventilation va avoir plusieurs conséquences, sur la quantité d’oxygène dans l’organisme, mais également sur la quantité de CO2, ce qui va mettre secondairement en jeu d’autres systèmes de régulation.
L’hyperventilation va entraîner une augmentation de la PO2 alvéolaire, qui dépend à la fois de la PO2 inspirée et de l’extraction de l’oxygène par le sang. Ceci va entraîner une augmentation de la PO2 artérielle et, in fine, une meilleure oxygénation des tissus, à laquelle participe également l’augmentation du débit sanguin due à la tachycardie. De ce point, l’hyperventilation et la tachycardie engendrées par la stimulation des chémorécepteurs à l’oxygène est une réponse adaptée, puisqu’elle est favorable à l’organisme. L’hyperventilation va avoir une autre conséquence, la diminution de la pression partielle et de la concentration en CO2 dans le sang. En effet, elle va augmenter l’élimination de CO2 au niveau des poumons. Cette hypocapnie va avoir plusieurs conséquences, liées d’une part directement à la diminution de la PCO2, et d’autre part liées à la perturbation de l’équilibre acido-basique du sang, l’hypocapnie entraînant une alcalose. L’hypocapnie et l’alcalose vont jouer sur les chémorécepteurs sanguins et périphériques sensibles au CO2. La réponse liée aux récepteurs périphériques, sensibles directement au pH et à la PCO2 sanguine, est immédiate ; celle liée aux récepteurs centraux, sensibles aux variations du liquide extracellulaire cérébral (LEC) dans lequel ils se trouvent, est plus lente, mais toutefois plus importante. En effet, le pH du LEC dépend de celui du liquide céphalo-rachidien (LCR) qui n’est pas tamponné de manière aussi efficace que le sang. Les variations de pH sont donc plus importantes au niveau du LEC que du sang.L’activation de ces récepteurs va entraîner une diminution de la ventilation, induisant en retour une diminution de la PO2 alvéolaire, puis artérielle. Il y a là la mise en jeu de deux boucles de régulation qui conduisent à des résultats opposés. La conséquence en est une hyperventilation cyclique, associée à une alcalose plus ou moins importante selon les individus. En l’occurrence, il ne s’agit pas là d’une réponse adaptée, dans la mesure où elle est défavorable à l’organisme, d’une part en limitant l’hyperventilation – et donc l’oxygénation des tissus – , d’autre part en induisant une alcalose néfaste, voire mortelle, pour l’organisme.
effet sur la courbe de dissociation de l’oxygène
courbe de saturation de l’hémoglobine au niveau de la mer
(courbe pleine) et à La Paz (courbe en pointillés)
La courbe de dissociation Hb-O2 est légèrement déplacée vers la droite. Ceci n’est pas dû à un effet Bohr – l’alcalose aurait pour conséquence un déplacement de la courbe vers la gauche – mais à la production accrue de 2,3 diphosphoglycérate (DPG) dans les hématies, qui entraîne un déplacement de la courbe vers la droite. Cette diminution d’affinité favorise la libération d’oxygène au niveau tissulaire, mais diminue sa captation au niveau alvéolo-capillaire, en diminuant le pourcentage de saturation de l’hémoglobine. On peut se demander si cette réponse est adaptée ou non, mais il semblerait qu’un déplacement vers la gauche de la courbe Hg-O2 serait plus favorable. C’est d’ailleurs ce que l’on observe chez les espèces génétiquement adaptées à l’altitude (cf. infra).
effet sur la circulation pulmonaire
La diminution de la PO2 alvéolaire entraîne une vasoconstriction des artérioles pulmonaires, ce qui entraîne une augmentation de la pression artérielle pulmonaire. Ceci a un double effet :
L’étude des réponses à court terme à l’hypoxie d’altitude permet de voir qu’il y a mise en jeu de réponses dont certaines sont adaptées – hyperventilation, tachycardie – et d’autres non – hypocapnie, alcalose, vasoconstriction hypoxique. Enfin, il y a des réponses dont on peut se demander si elles constituent une adaptation, ou tout au moins la meilleure adaptation possible, comme le déplacement de la courbe Hb-O2 vers la droite.
Il convient de dire qu’on observe une grande variabilité individuelle dans la réponse, ce qui fait que les conséquences pathologiques des réponses défavorables, et donc la tolérance à l’altitude, varie selon les individus. Les troubles liés aux réponses inadaptées correspondent au mal aigu des montagnes (MAM), qui dans ses formes graves peut entraîner la mort par œdème aigu du poumon et/ou œdème cérébral.
Dans les conditions standard, l’hypoxémie et l’hypercapnie vont en général de pair, alors que ce n’est pas le cas en hypoxie d’altitude. Ceci explique que les boucles de régulation mises en jeu dans l’hypoxie amènent à des réponses physiologiques contradictoires, ce qui n’est pas le cas en conditions standard.
effet à moyen et long terme (2-3 jours à 3-4 semaines)
Au bout de 2 à 3 jours, l’alcalose sanguine et cérébrale diminue, d’une part par la mise en jeu de systèmes tampon au niveau du LCR, d’autre part par l’élimination rénale de bicarbonates. Le pH sanguin se stabilise à une valeur physiologique, bien que l’hypocapnie persiste. La diminution du pH diminue la stimulation des chémorécepteurs sensibles au CO2 et au pH, ce qui a pour conséquence une régularisation de la respiration, avec une hyperventilation stable. Ceci se traduit par une élévation de la PO2 et une diminution de la PCO2 alvéolaires. Étant donné la plus faible densité de l’air en altitude, l’hyperventilation est facilitée par rapport aux conditions barométriques standard.
évolution des PO2 et PCO2 alvéolaires
au cours du temps lors d’un séjour en altitude
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PAO2 | 52 mm Hg | 53 mm Hg | 61 mm Hg | 61 mm Hg | 61,5 mm Hg |
PACO2 | 34 mm Hg | 31,5 mm Hg | 29 mm Hg | 28 mm Hg | 28 mm Hg |
stimulation de l’érythropoïèse
L’organisme réagit à l’hypoxie par une augmentation de l’érythropoïèse. Celle-ci est induite par la production d’érythropoïétine, produite au niveau du rein. Des études d’hybridation in situ ont montré que les cellules productrices d’EPO se situent dans le rein au niveau péritubulaire, à l’interface entre le cortex et la médullaire externe. Les cellules productrices d’EPO sont probablement des fibroblastes. La production d’EPO augmente rapidement pendant 3 à 4 jours, puis décroît, tout en se maintenant à un niveau supérieur à la normale.
L’hématocrite peut ainsi passer en 3 à 4 semaines de 40-45 % à 55 – 60 % (à La Paz, la limite supérieure de l’hématocrite normal est de 57 %) ; il peut même atteindre 80 % (polyglobulie pathologique d’altitude), chez des sujets acclimatés comme chez des sujets natifs.
Cette polyglobulie a plusieurs conséquences. Tout d’abord, l’augmentation du nombre de globules rouges et par conséquent de la concentration en hémoglobine du sang va augmenter la concentration en oxygène dans le sang, pour une PO2 donnée.
On rappelle que la concentration en oxygène du sang est donnée par la formule :
(1,39 x Hb x (Sat/100)) + 0,003 PO2
Ceci va se traduire par une augmentation de la quantité d’oxygène disponible au niveau tissulaire.
D’autre part, cette polyglobulie entraîne une augmentation importante de la viscosité du sang conduisant à des troubles de la circulation, en particulier de la circulation cérébrale, voire à des thromboses.
La polyglobulie d’altitude est-elle une réponse adaptative de l’organisme ? S’il paraît évident que la polyglobulie pathologique d’altitude est, comme son nom l’indique, une réponse inappropriée de l’organisme, la réponse est plus difficile pour la polyglobulie modérée. Classiquement, on considère qu’il s’agit d’une réponse adaptée, puisqu’elle augmente la concentration en oxygène dans le sang, et augmente par ailleurs les performances sportives. Toutefois, certains considèrent qu’il ne s’agit pas d’une réponse adaptative correcte, la polyglobulie engendrée étant supérieure à celle requise pour une efficacité optimale. Un des arguments avancés est que la polyglobulie d’altitude s’observe chez les sujets acclimatés et les sujets natifs des montagnes d’Amérique latine – dont le peuplement est relativement récent –, alors qu’elle s’observe nettement moins chez les populations des hauts plateaux tibétains et himalayens – dont le peuplement est plus ancien. La diminution de la réponse polyglobulique à l’altitude est ici considérée comme un début d’adaptation génétique des populations asiatiques à l’altitude.
hypertension artérielle pulmonaire
La vasoconstriction hypoxique engendrée par la diminution de la PO2 alvéolaire conduit à une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) chronique, associée à des remaniements de la structure des artères pulmonaires. Cette HTAP a des répercussions cardiaques, en particulier une hypertrophie ventriculaire droite due à l’augmentation de la postcharge. Ces modifications cardio-pulmonaires peuvent être étudiés chez le rat placé en caisson hypobare, celui-ci permettant de simuler une montée en altitude.
Après un séjour de 15 jours en caisson hypobare à une altitude simulée de 5500 m, la pression artérielle pulmonaire passe chez le rat de 20 mmHg à 32 mm Hg.
Le remodelage de la paroi artérielle pulmonaire est visible au niveau de :
conditions | surface de muscle lisse par µm de paroi interne (µm2) | nombre de noyaux par unité de surface
(cell. / mm2) |
épaisseur de la média
(µm) |
normoxique | 167 ± 7 | 965 ± 37 | 0,22 ± 0,01 |
hypoxiques | 309 ± 9 | 656 ± 24 | 0,47 ± 0,02 |
conditions | VD (mg) | VGS | VD/VGS | n |
normoxique | 167 ± 7 | 965 ± 37 | 0,22 ± 0,01 | 8 |
hypoxiques | 309 ± 9 | 656 ± 24 | 0,47 ± 0,02 | 16 |
VD : ventricule droit
VGS : ventricule gauche + septum
L’hypertension artérielle pulmonaire est ainsi associée à une remodelage important de la paroi de l’artère pulmonaire, ainsi qu’à des modifications fonctionnelles du muscle lisse, dont la caractérisation complète demeure à faire. L’importance de l’HTAP dépend de l’altitude, et si les modifications morphologiques et fonctionnelles observés chez le rat placé à une altitude simulée de 5500 m, il faut voir qu’il s’agit d’une altitude supérieure à celle où une vie permanente est possible pour les humains (les habitations permanentes d’êtres humains se situent vers 5000 m).
hyperréactivité des voies aériennes
L’hypoxie chronique ne semble pas modifier uniquement la réactivité du muscle lisse vasculaire pulmonaire, mais également celle du muscle lisse des voies aériennes. il a été montré que l’hypoxie aiguë pouvait entraîner une hyperréactivité des voies aériennes, mais peu de travaux ont été effectués sur l’effet de l’hypoxie chronique. Cependant, des travaux menés sur le rat en conditions hypobares ont montré que l’hypoxie entraînait une augmentation de la sensibilité des voies aériennes, et, au niveau cellulaire, une modification de l’homéostasie calcique. Des études effectuées sur le rat ont montré que l’hypoxie d’altitude chronique (2 semaines à 5500 m) entraînait une modification de la réactivité des voies aériennes, en particulier une hypersensibilité à la srimulation muscarinique. Cette hypersensibilité est retrouvée au niveau du signal calcique. En effet, la modification de la réponse calcique de myocytes des voies aériennes de rats hypoxiques chroniques correspond, à la différence de ce qui est observé dans l’artère pulmonaire, à une augmentation de la fréquence des oscillations calciques.
L’hypoxie stimule par ailleurs la néoformation de capillaires sanguins. Cette prolifération des vaisseaux sanguins résulte de l’activité de facteurs de croissance, parmi lesquels le VEGF, le PDGF, le placental growth factor et le transforming growth factor B-1. Le VEGF (vascular endothelial growth factor) stimule la mitogénèse des cellules endothéliales et la prolifération capillaire. Peu d’études ont été réalisé pour déterminer la production de VEGF en réponse à l’hypoxie. Chez le rat, il a été montré qu’une exposition pendant 6 h à 8,5 % d’oxygène dans l’air (la proportion normale est de 21 %) entraînait une augmentation de l’expression du gène du VEGF dans le rein, le cerveau et les muscles squelettiques.
La signification physiologique d’une prolifération capillaire est une meilleure oxygénation des tissus. En effet, la distance moyenne entre le sang oxygéné et les tissus est diminuée, ce qui favorise les échanges gazeux par diffusion.
récepteurs moléculaires à l’oxygène
On voit que la réponse à l’hypoxie ne concerne pas uniquement la stimulation des chémorécepteurs des glomus carotidiens et aortiques et la mise en jeu de systèmes réflexes, mais également un certain nombre de types cellulaires différents : cellules productrices d’EPO dans le rein – et dans le foie fœtal –, cellules musculaires lisses, cellules endothéliales, etc.
Si ces cellules sont capables de répondre spécifiquement à l’hypoxie, la question se pose de savoir quel est le capteur sensible à l’oxygène au niveau moléculaire dans ces cellules.
(Au niveau cellulaire, la plupart sinon toutes les cellules sont sensibles à l’hypoxie, au sens où la privation d’oxygène active des mécanismes moléculaires et métaboliques, y compris chez les levures et les bactéries. La présence de pigments sensibles à l’oxygène est ubiquitaire, des procaryotes aux métazoaires.)
Les mécanismes moléculaires expliquant la sensibilité à l ‘hypoxie des cellules du glomus carotidien et des cellules productrices d’EPO ont été étudiés sur des lignées de cellules en culture (concernant l’EPO, la plupart des résultats ont été obtenus sur des lignées cellulaires productrices d’EPO provenant de tumeurs hépatiques). Sans entrer dans le détail des mécanismes moléculaires impliqués dans la production d’EPO, on peut dire que le capteur moléculaire à l’oxygène est selon toute probabilité une protéine héminique, dont la nature demeure discutée. La présence ou l’absence d’oxygène correspond à un changement conformationnel de l’hème et par suite une modification de la fonction de la protéine héminique.
physiologie respiratoire des populations vivant en altitude
Les modifications physiologiques, et éventuellement morphologiques
– comme la prolifération capillaire – induite par un séjour
prolongé de quelques semaines en altitude persistent autant que
dure la vie en altitude, et se retrouvent globalement chez les populations
qui sont nées dans ces conditions d’hypoxie ; toutefois, des différences
existent entre les personnes acclimatés à l’altitude (c’est-à-dire
qui sont nés dans des conditions normoxiques avant de vivre en altitude)
et les personnes natives.
Les sujets nés en altitude présente un débit ventilatoire moindre que les sujets des plaines déjà acclimatés à l’altitude. L’hyperventilation est donc moins marquée chez les sujets natifs et résidents permanents que chez les sujets acclimatés.
Les pression partielles en oxygène et en gaz carbonique sont
grosso modo les mêmes chez les sujets natifs et les sujets acclimatés.
La pression alvéolaire en O2 et en CO2 diminue
corrélativement à l’altitude de vie.
altitude | PB (mm Hg) | PaO2 (mm Hg) | PaCO2 (mm Hg) |
3244 m | 520 | 65 | 32 |
3600 m | 495 | 60 | 30 |
4000 m | 462 | 52 | 27 |
pression atmosphérique (PB), PO2 artérielle (PaO2) et PCO2 artérielle (PaCO2) moyennes à La Paz, en fonction de l’altitude
réponse à l’O2, eu CO2 et au pH.
les populations natives présentent, par rapport aux personnes acclimatées, une moins grande sensibilité aux variations d’oxygène, de gaz carbonique et de pH, qui malgré tout demeure. Par exemple, l’inhalation d’oxygène pur entraîne une diminution du débit ventilatoire de 10 % chez les sujets vivant au niveau de la mer. À 3500 m, cette diminution est de 30 % chez les nouveaux arrivants, alors qu’elle n’est que de 15 % chez les personnes natives.
Chez certains sujets, la sensibilité à l’oxygène disparaît totalement. Cette disparition est associée à la polyglobulie pathologique d’altitude.
L’hématocrite des populations natives est élevé. Alors que l’hématocrite normal d’une population vivant au niveau de la mer est de 40 à 45 %, celui des habitants de La Paz est considéré comme normal jusqu’à 57 %. De plus, il existe fréquemment, y compris chez les populations natives, une polyglobulie pathologique, au cours de laquelle l’hématocrite peut facilement atteindre 80 %.
diffusion alvéolo-capillaire / volume pulmonaire
La diffusion alvéolo-capillaire est nettement supérieure chez les sujets natifs d’altitude par rapport aux sujets acclimatés.
Cette augmentation de la diffusion alvéolo-capillaire peut s’expliquer par une augmentation de la surface d’échange, liée à une surface alvéolaire et un lit capillaire augmentés, associée à un plus grand volume pulmonaire global.
diffusion alvéolo-capillaire (DLCO, ml/min/mm Hg)
corrigées en fonction de la concentration en hémoglobine
chez les enfants au niveau de la mer et en altitude (la Paz)
filles | garçons | |
niveau de la mer | 7,7 ± 2,0 | 7,1 ± 1,9 |
La Paz | 13,1 ± 2,7 | 14,2 ± 1,9 |
Il a été montré que la capacité vitale est augmentée de 10 à 18 % chez les natifs d’altitude par rapport aux résidents du niveau de la mer. De plus, une étude portant sur des natifs de La Paz (3660 m) transplantés dans une zone de basse altitude (420 m) a montré que les volumes pulmonaires restent plus élevés que ceux du groupe témoin, natif de basse altitude.
Cette augmentation des volumes pulmonaires – observés chez l’homme et chez l’animal – semble conditionnée par les facteurs liés au développement. En effet, l’augmentation des volumes pulmonaires i) se trouve chez les natifs d’altitude et non chez les résidents acclimatés et ii) persiste chez les natifs d’altitude transplantés à basse altitude.
De plus, des études effectuées chez le rat ont montré que des rats nouveau-nés, après exposition prolongée à l’altitude, possédaient un développement alvéolaire avancé et une croissance accélérée de la surface alvéolaire d’échange et des volumes pulmonaires ; à l’inverse, l’exposition prolongée à l’altitude de rats adultes ne modifient significativement ni le nombre d’alvéoles, ni le volume pulmonaire.
Cependant, les modifications irréversibles observées chez
les animaux élevés en altitude ne sont pas pour autant héréditaires.
L’étude des modifications du fonctionnement et éventuellement de la structure de l’appareil cardio-respiratoire en altitude a permis de mettre en évidence plusieurs niveaux de modifications des réponses fonctionnelles :
Chez les natifs d’altitude, ces réponses physiologiques peuvent être modulées (par exemple la sensibilité à l’oxygène ou au pH). D’autre part, il apparaît un nouveau degré de réponse qui concerne l’effet de l’altitude sur la biologie du développement. On peut qualifier ces réponses de " développementales " – si on ose utiliser ce néologisme. Elles sont à priori irréversibles, mais non héréditaires.
On peut se demander si, pour un natif, la vie en altitude de constitue pas des conditions standard. Bien que ça puisse être le cas, ce n’est pas systématique. Le fait que les conditions de vie constituent des conditions standard – telles que précédemment définies – suppose que l’historie évolutive des individus se soit déroulée dans ces conditions. Mais où commence l’histoire évolutive ? La réponse n’est pas simple, mais on peut dire qu’à partir du moment où on a mis en évidence une réponse adaptative spécifique aux contraintes du milieu et génétiquement transmissibles, on peut considérer que l’on " commence " à être dans des conditions standard. La question peut se poser concrètement, comme on l’a vu pour la polyglobulie d’altitude, que l’on trouve chez les populations d’altitude d’Amérique latine, mais pas d’Asie.
On peut donc classer les réponses à l’altitude en plusieurs niveaux :
réponses " physiologiques " :réversibles
réponses " développementales " : irréversibles, mais non héréditaires
réponses " génétiques " : héréditaires
Les réponses génétiques à l’altitude seront examinés dans le prochain chapitre, consacré à la physiologie respiratoire des animaux adaptés à la vie en altitude, comme le lama et l’oie de l’Himalaya.
Il ne faut pas oublier également que l’on peut considérer
un autre niveau d’adaptation, l’adaptation comportementale, qui peut être
génétique ou culturelle. Cette question ne sera pas traitée
ici.
Etienne Roux UFR SV UB2 |
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